Ici, tu trouveras les opinions des différent-e-s rédacteur-rice-s du blog, et des membres de l'asso. N'hésites à nous écrire si tu veux ajouter ta contribution. L'idée est d'avoir un panel représentatif des avis de toustes concernant le féminisme !
Louise :
C’est le sexisme ordinaire qui a initié mon rapport
au féminisme. A partir de mes quatorze ans, des hommes m’ont imposé des
commentaires dans la rue. Vous savez, ces commentaires qu’on doit ‘prendre
bien’ parce que ce sont des ‘compliments’. Ces commentaires qui me mettaient
mal à l’aise au départ, puis qui m’ont fait peur. « Tu es belle »,
« hmmmm très charmante », « je vais mettre ma bite d’africain
dans ta sale chatte d’européenne. » La main aux fesses. Les menaces de
viol. L’inquiétude de se sentir suivie. Alors j’ai pris peur, je me suis remise
en question. J’ai pensé que c’était ma faute, parce que j’avais bien fini par
remarquer que lorsque je portais des talons ou des robes, les remarques
s’accentuaient. J’ai donc voulu arrêter d’en mettre.
Puis,
j’ai compris mon erreur : je cédais à ce que la société m’imposait. Je
m’empêchais de porter des choses qui me plaisaient par peur du regard des
hommes, car je me sentais responsable. J’évitais de rentrer tard et seule. Au
fond, je me privais de ma liberté pour éviter le sexisme ordinaire. J’en
parlais avec mes amies, qui bien entendu subissaient la même chose, sans pour
autant trouver de réelles réponses pour que ça s’arrête et que la culpabilité
change de camp.
Mes
premières réponses, je les ai trouvées sur internet, notamment via MadmoiZelle
ou Paye ta shnek. Je n’étais pas seule, ce n’était pas juste une question de
quartier ou de ville. C’était un phénomène qui touchait l’ensemble de la
société, quels que soient la classe sociale, l’endroit ou le pays. Internet,
mais aussi les cours de socio du lycée m’ont fait comprendre que le harcèlement
de rue n’était pas le seul impact du sexisme sur la vie des femmes : culture du
viol, plafond de verre, 30% d’écart entre les salaires des femmes et des hommes
à poste égal dans le privé, slutshaming, sexisme des politiques, partage des
tâches ménagères, éducation genrée…
La
découverte de ces concepts m’a fait prendre conscience que j’avais toujours été
féministe, sans pouvoir l’exprimer et le comprendre dans une vision globale de
la société. Ma vision du féminisme découle entièrement de cette période. C’est
ce qui m’a permis de m’accepter, de devenir plus tolérante.
Le
féminisme, pour moi, c’est l’égalité, la liberté et l’acceptation de la
différence. Egalité, car ce que revendique le féminisme, ce n’est pas la
supériorité des uns sur les autres mais bien le fait qu’aucun ne vaut plus que
son voisin. Le féminisme, c’est l’égale liberté de devenir ce que l’on
souhaite, que l’on soit une femme ou un homme. Je suis libre de ne pas
correspondre aux codes de la ‘féminité’ si je suis une femme, de pleurer si je
suis un homme. Je suis également libre de répondre aux clichés si c’est ce que
je suis. Cette liberté d’être soi-même ne devrait subir aucun jugement de la part
des autres. Le féminisme, c’est accepter qu’il n’y a pas de moule commun à
tous, mais des individualités. C’est accepter que les différences soient
justement la normalité. Le féminisme, c’est la tolérance, la compréhension de
l’autre, l’acceptation de soi.
Elodie :
Pour
moi le féminisme c'est un mouvement qui met en avant le fait que les hommes et
les femmes devraient pouvoir jouir des mêmes droits et opportunités, qu'elles
soient sociales, économiques, juridiques..
Mais au delà de ça, j'envisage aussi
le féminisme comme un mouvement qui réfléchit sur la question LGBT qui est
malheureusement souvent oubliée, et qui remet donc en question
l’hétéro-normativité de la société. Je suis donc féministe pour toutes ces
raisons et plus encore, et ce depuis que j'ai 13/14 ans je dirais. C'est à
cette période que j'ai commencé à bien observer ce qui m'entourais et que j'ai
remarqué que le sexisme/la misogynie n’était pas une fiction. En faisant de
plus en plus attention à comment les gars se comportait envers les filles, vice
versa, et comment les filles se percevaient entre elles et elle même, je me
suis rendu compte de l'ampleur du phénomène et de la nécessité du féminisme.
Beaucoup de causes me tiennent à cœur mais je dirais que la plus urgente pour
moi est de stopper les violences faites aux femmes et notamment la culture de
viol qu'on peut encore observer en 2015... En fait, pour
moi le féminisme c'est aussi laisser chacun disposer librement de son corps,
sans être jugé si un comportement sort des codes et des normes sociales, qui
sont pour certaines plutôt archaïques.
Anne-Claire :
Pourquoi je suis devenue (?) - féministe.
Devient-on féministe ? Est-ce un
« apprentissage » ?
Si on admet cette idée négativement (oui, on
« devient » féministe, la preuve : certains.es ne le sont pas!).
Alors cela signifie que j'aurai adopté une vision féministe au grès de
mes expériences, de mon éducation...
Mais qu'ai-je appris finalement ?
Ma définition du féministe est la suivante :
C'est la volonté de tendre le plus possible vers l'égalité des sexes.
C'est une direction, une conviction profonde.
Mais
L'égalité des sexes, c'est un peu bateau non ?
En réalité, qu'est-ce que cela signifie ?
Et bien, cela signifie qu'un être humain Femme
possède exactement les mêmes droits et devoirs qu'un être humain Homme.
En
quoi cela serait-il impossible ?
Pour des raisons anatomiques ? Pour des
raisons biologiques ? Ou bien serait-ce pour des raisons
intellectuelles... ? Et dans ce cas, ces raisons sont purement
affolantes !
Un Homme serait plus intelligent qu'une Femme, tout
simplement car elle est une Femme ?
Ceci justifierait alors cette sorte de
« contrôle » nécessaire sur son comportement, la remise en cause de
sa liberté, la main mise sur les devenirs de sa petite vie de Femme.
Est-elle condamné à rester une mineure, innocente
et naïve.... pour des raisons « d'intelligence » ?
Cette
théorie n'a jamais été démontré, jamais. La science, aussi performante qu'elle
est, n'a jamais découvert une différence quelconque de nombres de chromosomes
entre les personnes de sexe différent.
Voilà, je pense qu'après que l'on m'ait présenté
cette réalité purement scientifique, je me suis dit : Mais oui
tiens ? Pourquoi ? Pourquoi l'égalité n'existe pas
finalement ?
Il n'existe aucune justification après tout ?
Aucune, vraiment !
Et pourtant...l'Histoire, celle avec un grand H,
n'a connu qu'un long cheminement d'inégalités... C'était même
« pire » avant, pourrait-on dire..
D'ailleurs, ça l'était, et ça a évolué, ça s'est amélioré
même.
Ce qui pose la question du : Maintenant à
quoi ça sert ? C'est presque « finit » ce combat ?
Après tout, les Femmes ont réussi à obtenir pas mal de droits maintenant, on a
presque fait le tour de la question.. ?
Le
droit de vote, le droit d'ouvrir un compte, de travailler, de conduire, de se
faire avorter.. Ces droits sont positifs, oui, ils sont écrit sur le papier et
ils sont appliqués.
Mais la société n'est pas aussi lisse et aussi
« simple » qu'une loi.
Les pressions morales, les clichés, les
discriminations, les harcèlements, les « habitudes genrées » qui
habitent encore les relations sociales et les discours aujourd'hui sont autant
de maux qu'il ne faut pas sous-estimer.
L'égalité est loin d'être atteinte, tellement loin.
Alors je veux en parler, je veux faire bouger les
choses.
Je veux parler de toutes ces femmes qui sont
maltraitées..
Le
féminisme, c'est avouer cette réalité, ouvrir les yeux sur une situation qui
n'est pas normale, qui n'est pas soutenable à l'aune des avancées démocratiques
et sociales que nous arguons si souvent !
Adrien :
N’étant
pas une femme, les gens-tes sont souvent interloqués lorsque je revendique mes
convictions féministes. Certains se demandent même pourquoi je me rallie à
cette cause, n’étant apparemment pas directement concerné. Cependant, je
réponds à celleux-ci que le féminisme est pour moi bien plus vaste qu’on ne
pourrait le croire de l’extérieur.
Le féminisme, est avant tout, pour
moi, redonner la parole aux femmes et genres exclus de nos sociétés modernes.
Lutter pour redonner une place à ces gens-tes qui sont invisibilisé-e-s, que ce
soit dans les discours relayés par les médias, ou par des moyens plus
pernicieux comme la construction social des genres binaires (et des rôles
genrés). Le féminisme est pour moi un moyen de dire non à tout cela, de refuser
de mettre des personnes dans une case contre leur gré. Un mouvement qui a
vocation à créer une place dans la société pour les marginalisé-e-s. De
redonner la parole aux concerné-e-s à propos de sujets où leur parole est
éludée (l’absence de témoignage des travailleur-euse-s du sexe lors de débats à
propos de la prostitution, la place prépondérante des hommes a sein des débats
pour l’accès au droit à l’avortement).
Je vois également le féminisme comme
un espace de refuge pour ces marginalisé-e-s, un lieu pour s’exprimer sans
crainte. Un lieu où l’on redonne du pouvoir à ces personnes, un moyen de les intégrer
dans une société qui les rejette par ailleurs.
Le
féminisme représente pour moi tous ces idéaux, mes idéaux, et mes espoirs de
progrès vers une société plus inclusive.
Lorenza :
Ma
prise de conscience féministe est assez récente, mais elle s’est faite assez
violemment. J’ai toujours su qu’il y a des choses que je ne « peux »
pas faire parce que je suis une femme. Par exemple, rentrer seule le soir. On
nous apprend assez tôt, quand on naît avec un vagin, que oui, on est des proies
dans la rue, et que rentrer seule nous met « en danger », qui plus
est si on porte une jupe (c’est quand même une invitation hein, de porter une
jupe quand on sort. Qui n’a jamais entendu ça de sa vie vienne me voir). Il y a
donc des choses que l’on est « obligées » de subir quand on est une
femme (ou qu’on en a le passing, du moins) : les petites réflexions dans
la rue (quand ce n’est que ça), les 20% de salaire en moins, les
double-standards, l’éducation genrée…
Il y a un moment où, quand mon prof de
littérature en prépa nous donnait la 50e référence d’écrivain de
genre masculin, je me suis dit « Bon, c’est un peu fort de café !
Elles sont où Simone de Beauvoir ? George Sand ? Marguerite
Duras ? Charlotte Brontë ? Juliette Drouet ? Olympe de
Gouges ? ». Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à
regarder le monde d’une autre manière. Si j’ai toujours eu conscience des
différences entre « hommes » et « femmes », la
violence des discriminations ne m’est donc apparue qu’à ce moment-là. Ça ne m’a
pas fait que du bien, car regarder le monde tel qu’il est, c’est-à-dire sexiste
au possible, ça fait de la peine. Quand on ne s’en rend pas compte, c’est plus
facile de vivre avec. En revanche, quand on ouvre les yeux, il devient
difficile de se taire et de ne pas agir.
Pour
plusieurs raisons, je me considère privilégiée : je suis blanche, issue
d’un milieu plutôt bourgeois, je suis à sciences po… On peut dire que ça
pourrait être pire. Le féminisme que je défends, et que je qualifierai
« d’inclusif » prend en compte les intersections de oppressions
(oppressions de classe, racisme, validisme, homophobie et transphobie…) pour
défendre toutes ces personnes qui sont directement victimes d’un système
patriarcal, hétéronormé, et qui, d’une manière générale, subissent des
discriminations, des différences de traitement, des oppressions sous toutes
leurs formes, aussi perfides et subtiles soient-elles. Je pense qu’il est
important de remettre en question le système entier pour avoir de réelles
avancées en matière d’égalité des droits pour toustes.
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