samedi 17 octobre 2015

L'avortement au Chili, quand les droits des femmes sont un crime

De nombreux pays interdisent encore strictement l'avortement sous toutes ses formes, y compris l'avortement thérapeutique. Le Chili fait partie de ces pays qui ne reconnaissent pas le droit des femmes à disposer de leur propre corps. Vous avez peut-être entendu parler de cette campagne qui vise à montrer comment font les femmes chiliennes pour avorter... Une campagne choquante qui permet de réaliser que des droits qui sont acquis pour nous français-e-s ne le sont pas partout dans le monde. 



Cet article est un résumé d'une conférence organisée par l'Observatorio Regional de Equidad en Salud según Género y Pueblo Mapuche, suite à la publication d'un livre de recherche sur l'avortement au Chili. Elle fut l'occasion de faire le point sur la situation actuelle de l'avortement au Chili et sur le mouvement féministe. (Tous les propos et/ou affirmations tenus ici sont assumés comme l'avis évidemment subjectif des intervenantes de la conférence)

Au jour d'aujourd'hui, l'avortement est totalement interdit au Chili. Par totalement interdit, il faut préciser: il n'est pas possible de le faire librement et anonymement, pas possible non plus de le faire en cas de viol, en cas de danger de mort de la mère, en cas de maladie grave du foetus, en aucun cas. La loi originelle sur la question précisait d'ailleurs qu'une femme devait accoucher même si ça devait lui couter la vie, toutefois cette phrase était tellement violente qu'elle n'a pas été inscrite. 
 Il n'en reste pas moins qu'elle est appliquée dans les faits.



La détermination à considérer l'avortement comme un crime amène à des atrocités « médicales »  à peine croyables. Par exemple, quand une femme porte en son ventre un foetus mort avant l'accouchement, les médecins se refusent à retirer le cadavre, de peur d'être accusés ensuite d'avoir pratiqué un avortement, de ne pas réussir à prouver que le fœtus était mort avant l'opération. Un médecin risque jusqu'à 10 ans de prison s'il est jugé coupable d'avoir pratiqué un avortement. En conséquence, dans la grande majorité des cas, les femmes doivent expulser "naturellement" le corps.. Même si ce sera seulement des semaines voire des mois plus tard. 
 Il existe la pilule du lendemain, mais ce n'est qu'une forme de contraception tardive, puisqu'il faut savoir avoir pris un risque immédiatement après l'acte sexuel ou presque pour espérer l'utiliser à temps. De plus, l'accès à la pilule du lendemain nécessitait d'avoir porté plainte pour viol jusqu'en 2013. Si actuellement, elle est en libre accès, son coût reste élevé (10,000 pesos soit environ 13 euros) et surtout son usage n'est pas entré dans les moeurs- du moins son existence est inconnue par toute une partie de la population.
Cet état de fait légal n'empêche bien sûr pas que l'avortement soit pratiqué: sont estimés à environ 100,000 par an les avortements clandestins.


Mais actuellement, une loi est en débat, et provoque une polémique qui commence à scinder en deux la société chilienne: cette loi serait un premier pas, bien sûr bienvenu, mais loin d'être suffisant
En effet, cette loi devrait légaliser l'avortement en cas de viol. L'accès à l'avortement légal impliquera le lancement d'une procédure judiciaire avec une plainte pour viol, et ce, dans un délai de14 semaines. Pour bien comprendre cette information : une femme violée doit admettre son viol, admettre être enceinte , en parler autour d'elle a ses proches et l'assumer publiquement auprès des forces de l'ordre afin de pouvoir attendre une décision de Justice pour obtenir le droit de se faire avorter. On serait encore bien loin de reconnaitre les droits des femmes à disposer de leurs corps. 
Par ailleurs, outre ces critiques sur la procédure, sur les 100,000 avortements clandestins pratiqués par an, il est estimé que cette loi va légaliser seulement 2700 avortements, soit 3 pour 100. Une toute petite partie donc.

Pourtant la nécessité d'une loi sur l'avortement devient de plus en plus pressante. L'augmentation du flux migratoire des campagnes vers les villes implique une paupérisation des nouvelles et nouveaux habitant.e.s, parqué.e.s dans les périphéries pauvres. Les avortements clandestins n'en sont que plus dangereux, le nombre de femmes mourant en se faisant avorter allant en augmentant depuis plusieurs années.


L'histoire de l'avortement au Chili est pourtant ancienne: les suffragettes chiliennes le défendaient déjà, et grâce à leurs mobilisations, un congrès médical avait eu lieu à Valparaiso en 1936 (!), pour parler de l'avortement thérapeutique. La conclusion de ce congrès était que la légalisation de l'avortement thérapeutique serait une manière de diminuer la mortalité pour des femmes qui, qu'on le reconnaisse ou pas, pratiqueront l'avortement. En conséquence une loi avait été déposée, loi qui n’avait pas été adoptée, de justesse, faute d'une alliance politique assez forte. 
Néanmoins si ce fut un échec parlementaire, il apparait clairement que le tabou était moins fort, les revues et les médias de l'époque en parlaient en effet bien plus librement qu'aujourd'hui. 



Ce qui pèse actuellement dans l'opposition à l'avortement, c'est notamment l'Eglise Catholique. Sa force politique est énorme, tant au travers des partis politiques que de par sa capacité à organiser la lutte réactionnaire à l'échelle nationale. Que ce soit le Pape a Philadelphie il y a peu, rabâchant le premier péché, la femme forçant l'homme à trahir sa parole devant Dieu en mangeant la pomme, ou que ce soit plus concrètement, comme par exemple les organisations catholiques en Bolivie qui organisent des actions au travers des prêtres pour maintenir une pression permanente sur le gouvernement contre les avancées féministes, l'Église est l'ennemie la plus organisée contre les droits des femmes sur le continent. 



Mais, même en imaginant qu'il y ait une pression de la rue, une majorité favorable au Parlement et toutes les formes de mobilisations nécessaire pour que la loi passe, reste un problème: il faut passer par le Tribunal Constitutionnel avant proclamation de la loi. Or, cette institution est moins juridique que politique. Héritage de la dictature, le Tribunal Constitutionnel lutte toujours contre toutes nouvelles libertés, il a été pensé comme un gardien du conservatisme. Il y a donc peu de chance qu'il valide cette loi sur l'avortement.

Le mouvement féministe, dans ce débat, se doit d'enrichir les connaissances, de déconstruire les stéréotypes, en bref, de convaincre. Une thématique semble ressortir: le mouvement féministe est assez profondément anti-médical.  Beaucoup de chilien.ne.s ont en tête que les femmes qui, à cause de complications dues à un avortement clandestin, doivent aller à l'hôpital, et se font molester et violenter par les médecins. 
Si ces violences existent, le corps médical est loin d'être unanimement anti avortement. Les réseaux féministes pratiquant des avortements clandestins ont des contacts avec des médecins, en cas d'urgence, et les études sur les opinions à propos de l'avortement montre qu'une grande part du corps médical est en faveur d'une légalisation. D'ailleurs, ici à Temuco (la ville), le Directeur de l'Hôpital avait pris position publiquement pour l'avortement, impulsant le débat à un moment où il était inexistant.


Un mouvement politique plus large, de défense d'une nouvelle Constitution pour le Chili, semble être rallié par de plus en plus de féministes. En effet, non seulement une nouvelle constitution serait l'occasion de parler de l'avortement, mais ce serait également l'occasion de parler de l'éducation sexiste et hétéronormée. Car outre la nécessité de détruire le Tribunal Constitutionnel, il faudrait aussi terminer de séparer l'Etat de l'Eglise, pour empêcher des censures au débat et des blocages institutionnels réactionnaires. Un exemple local est donné: l'Université Catholique de Temuco empêche toutes formes de prise de position, censurant toutes conférences, atelier ou réunions sur le sujet- sauf quand ce sont des anti-avortement qui s'exprime. (Fait pas si anecdotique : le Directeur de l'Université Catholique de Temuco est par ailleurs l'Évèque..) Les débats sur une nouvelle constitution permettent aussi de prendre en compte la dimension Mapuche (les nati.ve.fs amérindien.ne.s de la région) du problème: en effet, le peuple Mapuche subit une discrimination raciste par rapport à l'État Chilien, ce qui aggrave encore la situation pour les femmes Mapuche. 



En gros: éduquons nous sur la santé sexuelle, éduquons nous sur le sexisme et ces ressorts, et surtout luttons ! Parce que si cette loi est loin d'être exemplaire, il faut bien commencer quelque part, alors allons y franchement :) .



                                               Résumé de conférence écrit par Corentin Castillo, corrigé par Lorenza Vincent-Lasbats


samedi 19 septembre 2015

Une même soirée, deux vécus : l'expérience du genre déterminante.

Toi qui sors en soirée tranquillou pépouze le jeudi soir avec tes potes et tes potesses, t’es-tu demandé si ton genre influence la façon dont tu vivais ces soirées ?

Aujourd’hui c’est l’expérience que je te propose. Peut-être ça te semblera caricatural, mais peut-être tu t’y reconnaitras aussi…

NB :  J’ai fait le choix de ne pas utiliser l’écriture inclusive pour parler comme la majorité d’entre nous étudiants sciencepistes, et de cette situation car elle me parait plus facilement transposable dans vos vies. La situation est donc très cis et hétérocentrée, et j’espère que personne ne se sentira blessé-e de ces choix. 

Jeudi après-midi, tu organises ta petite soirée avec tes potes. « on se retrouve chez M. à 21h30, ça vous va ? », tu ramènes de l’alcool. Tu passes au Carrefour, t’hésites entre prendre un pack de kro ou une bouteille de vinasse. Tu te décides, ce sera le pack de bières, au moins y en a plus. Tu sors du Carrefour ton pack à la main, tu croises un SDF qui te regarde d’un air dépité, tu rentres chez toi, tu manges un bol de pâtes à la tomate avant de repartir chez ton pote M. Tu prends le métro jusqu’à St Anne, il est un peu rempli de mecs, qui, comme toi, partent en soirée. Y a des filles aussi, en groupe. Tu descends, tu vas jusqu’à chez ton pote M. Tu retrouves tes potes, vous buvez, vous rigolez, vous êtes vite torchés. Et puis quelqu’un propose de sortir en boîte, t’es pas contrariant comme gars, tu dis ouais ça peut être marrant allons y. Vous êtes torchés et vous marchez dans les rues sans trop vous poser de questions, ah si est-ce qu’on va pécho ce soir, est-ce que la musique en boîte va être bien, est-ce que vous allez à la boîte de la dernière fois ?

Vous arrivez enfin à la boîte. C’est rempli de belles meufs, de toute façon t’es tellement torché tu t’en fous pas mal du moment que tu peux pécho. Vous dansez ensemble puis tu pars de ton côté, t’as repéré une petite meuf, longs cheveux bruns, des jolis yeux (mais là ils sont fermés parce qu’elle danse et qu’elle fait la meuf genre sexy t’as vu, et ce qu’elle de plus bas que les yeux est vraiment pas mal non plus), tu vas tenter ta chance. Tu te mets derrière elle, tu commences à danser. Elle te regarde, au début elle a pas l’air convaincue, tu l’as un peu dérangé, elle dansait avec ses potes à la base. Mais bon elle a l’air d’être bien quand même, donc t’avances ta main sur son corps pour voir. Ah ben elle dit rien, cool, y a moy’ ça veut dire. Vous finissez par vous pécho méchamment sur la piste de danse. Et la tu te dis, mec t’as bien joué, ce soir tu rentres pas chez toi.

Le lendemain matin, le réveil est un peu dur mais la meuf, C, est sympa, vous déconnez un peu, puis vous recouchez ensemble. C’est plutôt cool avec elle, et puis surtout elle a des boobs de ouf. Et puis tu dois partir parce que t’as rdv à la BU pour bosser un exposé avec tes potes de TD. Tu lui expliques, elle est compréhensive, vous échangez vos numéros, tu la rappelleras peut-être, peut-être pas, bon mais tu lui dis que oui parce que sinon c’est pas le top. Allez salut, c’était sympa.

T’arrives à la BU vendredi matin la tête dans le cul. Tu racontes tes exploits à tes potes, ils ont l’air plutôt fiers de toi. Tu passes à autre chose. La meuf t’envoies un texto 2 jours plus tard « C’était cool l’autre soir ! Tu vas bien toi ? » t’oublies de répondre. Ou alors tu réponds mais sans grand intérêt. Et puis tu la zappes, parce que des meufs du jeudi soir, y en a souvent, et tu sais bien qu’elles vont pas changer ta vie.

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Jeudi après-midi, avec les filles vous discutez de ce que vous allez faire le soir. T’es hyper opé pour aller en boîte alors t’essaies de motiver les autres. Bon ok, qu’elles disent, mais on fait le before où ? O. a un grand appart, ça peut être chez elle. C’est un peu loin de chez toi mais tant pis, tu prendras le métro. Avant d’y aller tu manges un peu, puis tu vas chercher une bouteille d’alcool au carrefour à côté de chez toi. Tu sors du Carrouf la bouteille à la main, tu croises un SDF qui te regarde. Tu le regardes à ton tour et puis, jaugeant ta petite robe et ta bouteille, il gueule « Pétaaaaaaaaaasse ». Tu sais même pas quoi répondre, tu tournes les talons et tu t’en vas chez ta pote. Dans le métro, c’est bondé de mecs, et pas que des gentils. Y en a un qui te reluque méchamment. On dirait qu’il veut voir en dessous de ta robe. Tu sors dès que tu peux de ce métro, tu aurai dû le prendre avec tes potes, au moins à plusieurs tu n’aurai pas vu ces dégueulasses. Enfin ça ne va pas t’empêcher de passer une bonne soirée, t’inquiètes. C’est ce que tu te dis à toi-même. Chez ta pote, vous rigolez bien entre filles, vous parlez de l’ex de L, qui l’a largué pour un mec – ce sont des choses qui arrivent. Vous vous demandez si vous préférez être larguée pour un mec ou pour une meuf. Ça vous fait rire. Il est 1h du mat, vous êtes torchées, c’est l’heure d’aller en boite.

Vous sortez dans la rue, vous vous dirigez vers la boite. Y a toujours des pervers qui trainent à ces heures tardives, t’aimes pas trop ça quand tu rentres seule. Mais la ça va, vous êtes plusieurs, alors ça devrait aller. Vous allez à une boite où vous pouvez aller à pied, parce que vous avez loupé la dernière heure pour les transports. A un moment, vous croisez un type qui traverse dans le sens inverse de vous. Arrivé à votre hauteur, il s’arrête et t’agrippes par le bras. Tu le regardes d’un air interrogateur et lassé, c’est quoi le deal ? Déjà qu’ils te matent, maintenant ils vont te toucher sans demander comme ça ? Tu arrives à te dégager et à continuer ton chemin.

T’arrives en boîte, y a cette musique tu aimes trop, de Major Lazer. Tu te lances sur la piste et tu danses, t’essaies de pas trop faire la folle quand même, sinon après les gens ils regardent bizarre. Au bout d’un moment, y a ce type qui vient se coller à toi. Tu l’avais pas vu arriver, vu que tu fermes souvent les yeux en dansant. Tu le regardes, mais il est plutôt pas mal donc tout compte fait, t’as bien envie de le choper. Vous dansez un moment en boîte, une heure ou deux, tu sais plus, tes potes sont parties danser ailleurs pour te laisser avec lui. Tu te dis que tu pourrais peut-être l’inviter chez toi, après tout, voilà quoi.

En rentrant chez toi le mec te chauffe, toi aussi tu le chauffes, vous kiffez ça tous les deux. Et le lendemain matin vous remettez ça, vous parlez un peu, en plus il est gentil et intéressant. C’est vraiment un chouette moment. Du coup tu te dis, j’espère qu’il va prendre mon numéro, j’aimerai bien le revoir. Il part, il a des trucs à faire, il prend ton numéro (victoire !). 2 jours plus tard, tu lui envoies un texto. Il te répond évasivement, et puis après plus jamais de nouvelles.

Tes potes te disent « Ouais mais aussi si tu couches le premier soir… » et puis elles t’expliquent qu’un mec que tu rencontres en boite faut pas attendre quoi que ce soit. Et toi tu te dis, zut, parce que c’était quand même bien au lit avec lui, je l’aurai bien refait moi. Je l’ai quand même pas demandé en mariage pourtant…



Qu’est ce qu’on peut tirer comme conclusion de cette expérience ?

Les meufs aussi ont parfois juste envie de coucher, et ce n’est pas parce qu’elles sont de petite vertu ! Eh oui, en 2015 les femmes sont libres d’exprimer et de vivre leur sexualité comme elles le souhaitent ! N’est ce pas merveilleux ? Alors les mecs, s’il vous plait, arrêtez de croire qu’une meuf qui couche le premier soir est une fille facile. Vous aussi vous couchez le premier soir, et on vous respecte quand même… Une fille qui a couché avec vous le premier soir s’est probablement amusé, mais elle a encore tout un tas de trucs à vous apprendre et à vous faire vivre. Elle est toujours digne d’intérêt. Merci de prendre ça en compte dans vos relations à venir.

Les filles : ne croyez pas que profiter de la vie fait de vous quelqu'un de moins respectable, vraiment. Faites toujours comme vous le sentez, et personne n'aura/n'a le droit de vous juger pour ça. 

Le harcèlement de rue, pour vous les mecs : commencez par ne pas agir en prédateur quand vous êtes dans la rue : une femme, seule ou en groupe, n’est pas là pour satisfaire vos pulsions sexuelles. Quand vous voyez une situation ou un autre détenteur de pénis a ce genre de comportement avec une femme : vous pouvez agir. Cliquez pour voir le très bon tumblr d'un mec super cool qui nous apprend comment réagir en cas de harcèlement de rue

PS : toutes les expériences de harcèlement de rue sont véridiques. Quant à la situation entre le mec et la fille, elle est très fortement inspirée de faits réels…

Plus sur le harcèlement de rue : 
le tumblr de Répondons ! (un groupe facebook trop bien qui incite à répondre aux harceleurs)

Plus sur le slutshaming : 
Et un autre article sur la culture du viol !

Cet article reflète mon opinion et pas celui de l'asso entière.

Lorenza.

mercredi 29 juillet 2015

L'écriture inclusive



MANIFESTE POUR PLUS DE JUSTICE SOCIALE : L'ECRITURE INCLUSIVE

« Le masculin l’emporte sur le féminin », règle de grammaire, une des seules que tout le monde semble avoir intégré au plus profond de son être quand chaque jour la grammaire est reniée par la majorité d’entre nous (la langue française est fort complexe, je vous l’accorde). 

Nos voisins anglosaxons n’ont pas ce problème, leur écriture est bien moins binaire que la nôtre. C’est pourquoi nous devons faire preuve d’un progressisme bien plus grand pour faire évoluer notre langue. Mais quoi, c’est si difficile de se rendre compte que l’Académie française et des siècles de sexisme ont réduit l’existence féminine à un néant absolu dans une phrase et qu’il est temps de rétablir l’égalité ? Pourquoi ce n’est pas la majorité qui l’emporte ? C’est un système qui a quand même fait ses preuves dans d’autres contextes, par exemple, le vote. Qu’est ce qui  se passerait si on décidait que certains valent plus que d’autres ? Ah oui mais en fait, c’est la monarchie ça ! Je me rappelle ce que ça donne. Ou le fascisme. Peu importe. 

Cette règle me paraît carrément injuste quand je me retrouve dans un groupe constitué de 8 femmes et d’un homme, et que, innocemment, on fait les accords au masculin. WHAT ? Attends, c’est vraiment ce pénis-là, cette expression de genre-là, qui fait que nous ne pouvons pas nous accorder au féminin ? Sérieusement ? 

D’autant plus que dans certains cas, tu ne sais pas forcément si la personne est une femme ou un homme. Ce n’est pas parce que la personne a un passing (=ressemble à) d’homme que c’en est un. En fait c’est peut-être une personne qui a été assignée homme mais qui se sent femme. Ou ni homme ni femme. Ou un peu des deux. Il y a toute une multitude de sentiments qui ne sont pas extériorisés par rapport au genre. Alors tu pourrais malgenrer quelqu’un : genrer un groupe de personnes ou une personne en particulier au masculin, alors que non, en fait il y a cette personne-là, qui ne se sent pas homme. Alors, la solution à tout ça, c’est quoi ? Elle est là, sous tes yeux. L’ECRITURE INCLUSIVE.

TUTO ECRITURE INCLUSIVE :

1) Quand tu ne sais pas (la personne ne s’est pas genré devant toi, tu ne la connais pas assez bien pour connaître son genre) le genre de la personne, tu accordes au masculin, ET au féminin. C’est-à-dire : quelqu’un-e, si tu te sens énervé-e, quand iel viendra
2) Quand tu es face à un groupe de personne constitués d’hommes et de femmes, ou de personnes dont tu ne sais pas le genre : tu accordes au masculin ET au féminin. C’est-à-dire : quand vous êtes rentré-e-s, iels ont été, celleux-là même
3) Quand tu es face à quelqu’un dont l’expression de genre n’est pas celle de son sexe biologique (femme qui possède un pénis, ou homme avec un passing de femme) : tu accordes en fonction de l’expression de genre. C’est-à-dire, tu es avec une femme née avec un pénis : tu es celle que je recherchais, elle a mangé…
4) Quand tu es face à quelqu’un qui n’a pas d’expression de genre binaire (ni homme ni femme, un peu des deux, ça dépend des moments…) : tu accordes au masculin ET au féminin. C’est-à-dire : Iel pense, si tu te sens contrarié-e… 
5)  Tu ne te plains pas que c’est compliqué car toi-même tu sais que toutes les règles de grammaire qu’on t’a apprises quand t’étais enfant sont bien plus dures que ça. Et que c’est pour que nos amis MOGAI puissent se sentir bien dans ce monde. Et que t’as pas envie d’être un-e vieil-le aigri-e que personne n’aime parce qu’iel est méchant-e avec les MOGAI. 

Quelques astuces pour l’écriture inclusive :
Tous, toutes : tou-te-s, toustes
Celle, celui, ceux, celles : celleux
Il, elle : iel
Ils, elles : iels, illes
N’oubliez pas les noms de métier à féminiser : professeure, auteure, etc, et les tirets pour rajouter un –e à la fin des adjectifs et des verbes accordés ! Merci à tou-te-s ! ;)

Tu peux aussi lire un très bon article sur l'écriture inclusive ici.

dimanche 8 mars 2015

Ode à la jupe

C’est fascinant, une jupe. Un cache-corps caméléon qui se décline sous toutes les coutures.
Coupée au bas-mollet, aux genoux cagneux ou à la genèse des gambettes, la jupe reste jupe
lorsqu’elle s’enroule autour de toi. Elle fait sienne pléthore de tissus, motifs et couleurs. Quand tu
noues un paréo sur ton corps doré par le soleil, sens-tu l’essence de la jupe vibrer au-dessus de toi,
en harmonie avec l’extase que te fait ressentir ce vêtement si confortable ? Ravie de te voir le
reconnaître.

A l’approche du printemps, alors que les zoizos gazouillent et que tu n’as plus l’impression
d’avoir Parkinson quand tu pointes ton nez dehors à 8h, qu’il est agréable de se balader en jupe ! Elle
accompagne délicatement chacun de tes mouvements, tandis que l’air doux se fraye un passage
entre tes mollets. Tu avances bien mieux les jambes libres, bipède soulagé de l’oppression du jean.
Pourtant, la jupe est malmenée. Recluse au rayon féminin des magasins de vêtement, elle
s’ennuie un peu. Elle ne comprend pas comment elle a pu être bannie si catégoriquement de la
mode masculine qui nous est présentée, alors que de nombreuses contrées lui permettent de revêtir
les délicieux noms de lava-lava (îles Samoa), sarong (Tahiti), kikepa (Hawaï), suju (îles Fiji), kilt (pas de présentation), sans compter la diversité des jupes traditionnelles indiennes et africaines. Les jambes masculines manquent d’opportunité pour quitter le dilemme matinal entre le pantalon bleu foncé et le pantalon noir.

Elle s’est laissée enfermer dans la sphère de la féminité, la jupe. Comme si ne pas avoir de
bout de tissu du côté intérieur des chevilles jusqu’à l’entre-jambe était source d’émasculation. Mais
l’enjeu que la jupe met en avant, ce sont surtout les représentations associées à ton identité.
Pourquoi, en 2011, la presse s’est-elle autant emballée lors de la tournée de Kanye West en kilt ?
Parce qu’une jupe sur un homme, ça dérange. Ça questionne la virilité et les clichés qui y sont
associés.

Récemment, un bruit de couloir a effleuré ton oreille et t’a fait décocher un sourire :
l’association George Sand, paraît-il, organise une journée de la jupe le jeudi 12 mars. Etudiant, tes
craintes auront sans doute plus d’ampleur que les tiennes, étudiante.
« Où se procurer une jupe ? » Eh bien, munis toi soit d’une amie ou d’un ami qui pourrait t’en
prêter une, soit de bonne volonté pour en acheter une dans la friperie de ta rue, soit d’un drapeau
BDS qui tu pourrais nouer élégamment au-dessous de ton nombril et qui serait du plus bel effet.
« Je vais avoir l’air ridicule, non ? » En l’occurrence, je t’associerai plutôt à un petit rayon de
soleil pour les passants que tu vas croiser. Si je t’assure ! Parmi les quelques visages perplexes, tu
distingueras des regards amusés, charmés, emplis de joie et de bonne humeur (et surtout, paix et
amour). Dis-toi que tu illumines leur journée ; ou que tu viens de leur transmettre un choc agréable,
qui ira de la simple curiosité à la révélation de leur vie.

En mettant une jupe, Il ne s’agit pas d’éradiquer les frontières entre féminité et masculinité ;
mais d’élargir ces conceptions, de les rendre plurielles. Peut-être que tu n’égaleras pas mon
émerveillement face à la jupe, mais tu auras participé à déconstruire un cliché enraciné dans nos
crânes. Aller à contrepied de nos représentations de manière si évidente, c’est les remettre en
question ; aller dans leur sens si c’est ce que tu souhaites, sans juger celleux qui ne prennent pas la
même voie ; ou bien porter une jupe tous les jours (youpi c’est la fête) ou occasionnellement…en
bref : ne pas aliéner un bout de tissu qui n’a rien demandé, et prôner le choix dans la construction de
son identité.

Marianne Monfort