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dimanche 8 mars 2015

Ode à la jupe

C’est fascinant, une jupe. Un cache-corps caméléon qui se décline sous toutes les coutures.
Coupée au bas-mollet, aux genoux cagneux ou à la genèse des gambettes, la jupe reste jupe
lorsqu’elle s’enroule autour de toi. Elle fait sienne pléthore de tissus, motifs et couleurs. Quand tu
noues un paréo sur ton corps doré par le soleil, sens-tu l’essence de la jupe vibrer au-dessus de toi,
en harmonie avec l’extase que te fait ressentir ce vêtement si confortable ? Ravie de te voir le
reconnaître.

A l’approche du printemps, alors que les zoizos gazouillent et que tu n’as plus l’impression
d’avoir Parkinson quand tu pointes ton nez dehors à 8h, qu’il est agréable de se balader en jupe ! Elle
accompagne délicatement chacun de tes mouvements, tandis que l’air doux se fraye un passage
entre tes mollets. Tu avances bien mieux les jambes libres, bipède soulagé de l’oppression du jean.
Pourtant, la jupe est malmenée. Recluse au rayon féminin des magasins de vêtement, elle
s’ennuie un peu. Elle ne comprend pas comment elle a pu être bannie si catégoriquement de la
mode masculine qui nous est présentée, alors que de nombreuses contrées lui permettent de revêtir
les délicieux noms de lava-lava (îles Samoa), sarong (Tahiti), kikepa (Hawaï), suju (îles Fiji), kilt (pas de présentation), sans compter la diversité des jupes traditionnelles indiennes et africaines. Les jambes masculines manquent d’opportunité pour quitter le dilemme matinal entre le pantalon bleu foncé et le pantalon noir.

Elle s’est laissée enfermer dans la sphère de la féminité, la jupe. Comme si ne pas avoir de
bout de tissu du côté intérieur des chevilles jusqu’à l’entre-jambe était source d’émasculation. Mais
l’enjeu que la jupe met en avant, ce sont surtout les représentations associées à ton identité.
Pourquoi, en 2011, la presse s’est-elle autant emballée lors de la tournée de Kanye West en kilt ?
Parce qu’une jupe sur un homme, ça dérange. Ça questionne la virilité et les clichés qui y sont
associés.

Récemment, un bruit de couloir a effleuré ton oreille et t’a fait décocher un sourire :
l’association George Sand, paraît-il, organise une journée de la jupe le jeudi 12 mars. Etudiant, tes
craintes auront sans doute plus d’ampleur que les tiennes, étudiante.
« Où se procurer une jupe ? » Eh bien, munis toi soit d’une amie ou d’un ami qui pourrait t’en
prêter une, soit de bonne volonté pour en acheter une dans la friperie de ta rue, soit d’un drapeau
BDS qui tu pourrais nouer élégamment au-dessous de ton nombril et qui serait du plus bel effet.
« Je vais avoir l’air ridicule, non ? » En l’occurrence, je t’associerai plutôt à un petit rayon de
soleil pour les passants que tu vas croiser. Si je t’assure ! Parmi les quelques visages perplexes, tu
distingueras des regards amusés, charmés, emplis de joie et de bonne humeur (et surtout, paix et
amour). Dis-toi que tu illumines leur journée ; ou que tu viens de leur transmettre un choc agréable,
qui ira de la simple curiosité à la révélation de leur vie.

En mettant une jupe, Il ne s’agit pas d’éradiquer les frontières entre féminité et masculinité ;
mais d’élargir ces conceptions, de les rendre plurielles. Peut-être que tu n’égaleras pas mon
émerveillement face à la jupe, mais tu auras participé à déconstruire un cliché enraciné dans nos
crânes. Aller à contrepied de nos représentations de manière si évidente, c’est les remettre en
question ; aller dans leur sens si c’est ce que tu souhaites, sans juger celleux qui ne prennent pas la
même voie ; ou bien porter une jupe tous les jours (youpi c’est la fête) ou occasionnellement…en
bref : ne pas aliéner un bout de tissu qui n’a rien demandé, et prôner le choix dans la construction de
son identité.

Marianne Monfort

1 commentaire:

  1. La liberté est individuelle. Nous avons tous notre propre définition de ce que c'est. ;-)
    Je ne porte plus de jupe ni de robe car je n'aime plus. Et je ne me suis jamais sentie libre avec: épiée , regardée d'une autre façon mais surtout le fait que je devais "faire attention" à la façon de m'assoir pour ne pas que l'on vois dessus car c'est un vêtement qui cache mais SURTOUT qui révèle... De tenir ce vêtements quand il y a du vent et de montrer la dernière les escaliers... De devoir me changer dans certaines situations parce que ce n'est pas pratique... C'est la raison pour laquelle je mettais un short en dessous.
    Maintenant, je suis contente de ne plus en porter car je peux m'assoir comme je veux, ne plus croiser les jambes, courir dans le vent ou non. Monter les escalier n'importe comment ... :-)
    Néanmoins je trouve dommage que peu d'hommes en portent... :-(

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